Amoako Boafo : Le peintre ghanéen qui sublime la dignité noire du bout des doigts

Amoako Boafo est un peintre contemporain ghanéen reconnu pour ses portraits vibrants et expressifs qui célèbrent la beauté, la dignité et la diversité des personnes noires. Il est né en 1984 à Accra, au Ghana, et vit aujourd’hui entre Vienne (Autriche) et sa ville natale. Son travail a connu une ascension fulgurante sur la scène artistique internationale depuis la fin des années 2010.

C’est lors de son exposition I Do Not Come to You by Chance à la galerie Gagosian de Londres (10.04.25 – 24.05.25) que j’ai découvert pour la première fois son travail.

J’ai tout de suite été frappée par l’expressivité de la touche de l’artiste-peintre car en effet, du touché il y en a ! Et nous allons découvrir comment il arrive à ce résultat si atypique.

Style et univers artistique

Boafo se spécialise dans les portraits, souvent en buste, représentant des sujets noirs dans des poses intimes ou puissantes.
Il est célèbre pour sa technique de peinture à l’huile appliquée au doigt, ce qui donne à ses œuvres une texture unique et une expressivité tactile. Les corps sont souvent traités avec cette technique, tandis que les vêtements et les arrière-plans peuvent être peints au pinceau ou avec des motifs très graphiques.
Il utilise des couleurs éclatantes, contrastées, et des fonds souvent plats, qui permettent aux sujets de se détacher avec force.
Son style mêle figuration, réalisme psychologique et influence de la photographie de mode ou des médias sociaux. Il s’inspire beaucoup des portraits d’artistes expressionnistes de la Secession de Vienne tel que Gustav Klimt et Egon Schiele et cela se voit surtout pour Schiele. Parmi ses influences, on peut également citer ses contemporains Jordan Casteel (avec ses portraits expressionnistes et intimistes), Kerry James Marshall (avec ses peaux noires très foncées) et Kehinde Wiley (revalorisation des sujets noirs et ornementation florale).

Si la représentation et le revalorisation des figures noires vous intéresse, à lire aussi : Kerry James Marshall, Amy Sherald et Ekene Stanley : au-delà de la couleur, une humanité et Kehinde Wiley : l’important n’est pas la taille mais la prestance

Thématiques explorées

Boafo cherche à revaloriser l’image des personnes noires, souvent sous-représentées ou stéréotypées dans l’histoire de l’art occidental. Ainsi, il explore les identités diasporiques, en particulier entre l’Afrique et l’Europe, entre tradition et modernité.
Ses portraits mettent en lumière la vulnérabilité, la force et la singularité de ses modèles, souvent des proches, amis ou figures inspirantes de la communauté noire.
Il revendique une représentation digne, fière et esthétique des corps noirs.

Autour de l’exposition

Une alliance entre art et architecture prend forme au sein de l’espace. En effet, l’exposition présente la première peinture autoportante double face de l’artiste : deux figures féminines grandeur nature posées dos à dos sur des panneaux de bois pliants. L’œuvre réinvente le nkyinkyim, symbole Adinkra qui représente les aléas de la vie et, par conséquent, la résilience et la persévérance des personnages de Boafo face à un monde social tumultueux.

Au cœur de l’exposition se trouve également une reconstitution de la cour de la maison d’enfance de l’artiste, où il a appris à peindre. Créée en collaboration avec le designer Glenn DeRoche, la structure allie récits personnels et esprit de création collaborative, où familles et artistes se réunissent pour partager idées, matériaux et inspirations.

Le visuel de la peau, à travers ces traits bruns et sinueux couvrant les corps de ses sujets, est vraiment saisissant. L’aspect des cheveux frisés/crépus n’est pas en reste grâce à la texture qui donne du relief et un effet palpable. Lorsqu’on regarde de près les peintures, on se rend vite compte que la peau des figures n’est pas uniquement brune mais que des touches de bleu sont également présentes. Pourquoi la présence de ce bleu sur tous les sujets ? C’est à se demander si cela ne fait pas référence au terme utilisé au sein de la communauté noire pour désigner les différentes teintes de peau tel que le « Blue-black » : expression poétique ou argotique utilisée pour décrire une peau noire très foncée avec des reflets bleutés. Sa connotation est double, elle peut être utilisée pour valoriser une certaine beauté noire très foncée dans une logique de réappropriation, mais a aussi pu être utilisée péjorativement dans des contextes racistes ou moqueurs. Évidemment, avec Boafo, on se doute bien qu’il s’agirait de la première connotation positive dans une démarche de revalorisation.


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