Guo Pei : des tenues qui en mettent plein la vue

Mon coup de cœur du mois de mars est la créatrice de mode chinoise Guo Pei, vivant et travaillant à Pékin, en Chine. Elle est souvent décrite comme la « grande couturière de Chine », et reconnue pour ses créations spectaculaires mêlant haute couture, artisanat ancestral chinois et imaginaire féerique. Son travail se distingue par une richesse visuelle exceptionnelle, des références historiques et un grand savoir-faire. Elle fonde son propre atelier, Rose Studio, en 1997, pour créer des pièces sur mesure pour l’élite chinoise.

Sa carrière prend un tournant international en 2015, quand la chanteuse Rihanna porte une de ses robes spectaculaires au Met Gala (la fameuse robe jaune à traîne immense et broderies dorées) – un moment devenu iconique.

Rihanna portant une robe de Guo Pei au Met Gala 2015, New York, image: © Abaca

C’est lors de l’exposition Au fil de l’Or au musée du Quai Branly que j’ai découvert ses fabuleuses créations et quelle découverte! Ses tenues en mettent plein la vue avec leurs brillances, motifs, détails, et textures.

Style et univers artistique

Guo Pei fusionne les codes de la haute couture occidentale avec les traditions vestimentaires chinoises (comme les robes impériales, les brocarts, les soieries, les dragons, les phénix). Ce qui frappe avec ses créations ce sont l’opulence de celles-ci, en effet, elles sont souvent recouvertes de broderies complexes, de perles, de fils d’or, de pierres précieuses, et peuvent nécessiter des milliers d’heures de travail. Elle joue avec des volumes démesurés, des traînes longues, des épaules sculpturales, dans un esprit baroque et symbolique. De plus, loin d’être des créations abstraites, ses robes racontent des histoires inspirées par la culture impériale chinoise, les légendes, la religion bouddhiste, ou encore des visions célestes.

Thématiques explorées

Mémoire et héritage : Elle ressuscite les savoir-faire disparus de la broderie impériale chinoise.

Féminité sacrée : Ses œuvres célèbrent une féminité forte, royale, presque divine.

Fusion culturelle : Elle revendique une vision esthétique transnationale qui réunit Orient et Occident.

Spiritualité et transcendance : Certaines de ses créations s’inspirent directement de la symbolique religieuse (robes inspirées du bouddhisme ou de l’architecture sacrée).

Autour de l’exposition

Dans le parcours de l’exposition Au fil de l’Or, huit créations de Guo Pei sont présentées. Nous allons découvrir chaque tenue un peu plus en détail.

Guo Pei, automne-hiver 2016, Couture Collection : Encounter

La confection de cette robe a requis plus de 20 000 heures de travail (ce qui équivaut à 10 ans à temps plein en travaillant 8h/j et 5j/7j pour une personne seule mais sachant que 8 personnes étaient dessus, cela revient à un peu plus d’une année). Le tissu a d’abord été transformé puis décoré minutieusement à l’aide de centaines de milliers de sequins, de fleurs et d’ornements dorés, tous cousus un par un par des artisans qualifiés. Onirique, cette robe audacieuse et presque surréaliste mêle originalité de sa conception à un savoir-faire traditionnel.

Guo Pei, printemps-été 2017, Couture Collection : Legends

la collection Legends est née lors du Voyage de Pei à Saint-Gall, en Suisse, où elle a pu visiter l’usine textile Jakob Schlaepfer et l’abbatiale de Saint-Gall. Elle y a découvert, sur les voûtes de la nef et du choeur, des peintures célestes entremêlées à l’éclat doré de l’édifice et semblables à des rêves vivants. Sur le chemin de l’aéroport, Guo Pei a exposé avec enthousiasme à Martin Leuthold, directeur artistique de l’usine textile Jakob Schlaepfer, sa vision d’une nouvelle collection. Il lui a demandé de décrire le type de textile qu’elle désirait et lui a assuré qu’il pourrait donner vie à son rêve. Sans hésiter, Pei a exprimé son souhait d’un tissu « aussi brillant que la lumière du soleil ». Pendant près d’un an et demi, Martin Leuthold a créé pour Guo Pei, une série de tissus uniques, composés de fils métalliques et de soie, pesant 890 grammes par mètre et particulièrement étincelants.

La robe ci-dessous est issue de la collection An Amazing Journey In A Childhood Dream de 2007.

Guo Pei, One Thousand and Two Nights Collection, 2009

L’univers de Guo Pei est bercé par les contes de fées, les mythes et les légendes tels que Les Mille et Une Nuits, recueil anonyme de contes populaires d’origine arabe, persane et indoue. Cette robe, à la fois imposante et empreinte de délicatesse, offre un parfait exemple du désir de Guo Pei de tisser des histoires féériques.

Guo Pei, printemps-été 2016, Couture Collection : Courtyard

Orné de volutes et de motifs floraux abondants, ce vêtement est magnifié par des broderies en fils d’or caractéristiques du style de Pei. A dessein d’inspirer un sentiment de romantisme, il est somptueusement décoré de plumes.

Guo Pei, printemps-été 2020, Couture Collection : Himalaya

L’opulente broderie s’inspire, tout en délicatesse, des divinités représentées sur les bannières sacrées appelées thangka. Cet art rituel imprègne cet ensemble par son décor qui transcende le temps et l’espace, répare les failles civilisationnelles et purifie l’âme et l’esprit. Le majestueux motif de thangka s’étend sur une traîne de 2 mètres pareils aux pics célestes des montagnes enneigées, enveloppant de son rayonnement universel tous les êtres divins. 25 personnes ont pris part à la confection de ce vêtement.

Guo Pei, Legend of the Dragon Collection, 2012

Près de 3000 fleurs impériales anciennes, fabriquées à la main, fleurissent la robe, sur laquelle un discret phénix doré s’élance. La cape de la robe est fabriquée en jacquard de soie et fait appel à diverses techniques telles que la broderie matelassée et la broderie pan jin (broderie au fil d’or enroulé), créant un riche motif en relief d’eau ruisselante et de délicates pivoines.

Guo Pei, Tenue de marié et robe de mariée traditionnelles chinoises en or, 2024

Cette tenue est principalement ornée de dragons, accompagnés de formes trilobées appelées « ruyi », de fleurs de lotus enroulées, de vagues et de motifs évoquant la mer et les falaises.

Dans la culture chinoise, le dragon est souvent associé à la masculinité, tandis que le motif « ruyi » symbolise des vœux de bonheur et de prospérité. Les fleurs de lotus enroulées qui parent des deux ornements suspendus de part et d’autre de la robe, représentent la continuité et la prospérité infinie.

Cette robe de mariée, dont la réalisation a nécessité cinq ans (avec 8 personnes), est cousue à la main de fils d’or et selon une trentaine de points de broderie issus du monde entier.

Les nuages, de bon augure, sont signes d’harmonie et de bonheur conjugal dans la culture chinoise. Les pivoines sont quant à elles un symbole de richesse, de chance et de prospérité.

Finalement, plus que des vêtements hautes coutures, les créations de Guo Pei racontent des histoires féériques et sont empreintes de symboles issus de la culture chinoise. Les innombrables heures passées à la confection ainsi que la présence de détails minutieux ne fait aucun doute que ces tenues valent de l’or.

Je vous encourage vivement à aller découvrir ses autres créations car elles sont toutes plus incroyables les unes que les autres : Guo Pei.

Et si vous voulez découvrir d’autres créations tout aussi originales, à lire aussi : Iris van Herpen : quand mode et technologie se rencontrent.


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