Sabine Weiss : L’objectif poétique qui sublime l’ordinaire en noir et blanc

Sabine Weiss, New York, États-Unis, 1955

Mon coup de coeur du mois de février est la photographe franco-suisse emblématique du XXe siècle, Sabine Weiss (1924–2021), connue pour sa sensibilité à la lumière et son regard tendre sur le quotidien. Elle fait partie du cercle très restreint des grands noms de la photographie humaniste aux côtés de Robert Doisneau, Willy Ronis ou Édouard Boubat, mais avec une voix bien à elle, souvent plus discrète et délicate.

J’ai découvert son travail lors de l’exposition Sabine Weiss x Nathalie Boutté au Photo Elysée qui, à l’occasion du centenaire de la naissance de Sabine Weiss, présentait une exposition en son hommage.  

Née en 1924 à Saint-Gingolph, en Suisse (au bord du lac Léman), elle s’installe à Paris après ses études de photographie à Genève. Elle travaille d’abord comme assistante de Willy Maywald, un photographe de mode, puis ouvre son propre studio en 1950. En 1952, elle entre dans l’agence Rapho, rejoignant les rangs de la photographie humaniste française.

Style et univers artistique

Weiss s’intéresse à l’humain dans toute sa fragilité, sa joie, sa solitude, son labeur. Elle capte la vie ordinaire avec poésie, en mettant l’accent sur les émotions, les gestes simples, les regards, les jeux d’enfants, les passants dans la rue…

Elle accorde une grande attention à la lumière naturelle, souvent douce ou crépusculaire, qui sublime les scènes les plus simples. Même dans des scènes prises sur le vif, ses images sont d’une grande rigueur formelle, souvent équilibrées et graphiques dans leur composition. Elle a surtout travaillé en noir et blanc, ce qui accentue la force émotionnelle et intemporelle de ses clichés.

Reflets, ombres, flous, brumes… tout ces éléments caractérisent l’esthétique de Weiss et ajoutent une touche poétique à ses clichés. L’espace urbain devient alors un lieu partagé entre l’émerveillement et le mystère. Nous suivons ces silhouettes isolées et plongées dans le clair-obscur, loin du tumulte de la cité.

Thématiques explorées

  •  Certaines de ses images ne s’inscrivent pas dans des séries à proprement parler, mais sont des fragments poétiques du quotidien où elle aime montrer des instants suspendus, des regards furtifs, des corps au repos ou en mouvement telle une femme seule dans un café vide, des mains entrelacées, une silhouette dans un couloir, l’ombre d’un enfant sur un mur.
  • Les marginaux et les invisibles : Weiss a photographié les pauvres, les mendiants, les gitans, avec un regard digne et jamais misérabiliste.
  • La vie quotidienne dans l’après-guerre : Elle documente avec tendresse la France des années 1950–1960, mais aussi d’autres pays qu’elle a visités.
  • Travail de commande et mode : Elle a aussi réalisé des portraits pour des magazines comme Vogue, des photographies publicitaires, ou des reportages pour des institutions internationales, tout en gardant une grande liberté de ton.

Séries emblématiques

Les enfants dans les rues de Paris (années 195060)

C’est probablement l’un des pans les plus emblématiques de son travail. En effet, Paris est la ville fétiche de Weiss. Les thèmes principaux sont les jeux d’enfants, l’insouciance, la pauvreté, la vie quotidienne dans les quartiers populaires. Elle sillonne les terrains vagues de la banlieue, peuplés d’enfants espiègles et joueurs. Ces images racontent le Paris d’après-guerre, encore en reconstruction, à hauteur d’enfant. Elles sont souvent drôles, tendres, mais aussi mélancoliques.

Scènes de rue à New York (années 1950-60)

Weiss part à New York en 1955, appareil en main, et capture la vibration urbaine de la ville. L’atmosphère y est plus nerveuse et plus contrastée que son travail à Paris. Cette fois, elle saisit la solitude dans la foule, la vitesse, les reflets, les lumières artificielles. L’appareil capte la vie bouillonnante et rapide de la mégapole. Cette série la rapproche de photographes comme Helen Levitt ou Robert Frank, tout en gardant sa touche propre : empathie et équilibre formel.

Son fonds photographique est déposé au Photo Élysée à Lausanne, qui veille à la conservation et à la diffusion de son œuvre. Son regard continue d’inspirer photographes et passionné·es de l’image documentaire, en particulier ceux qui cherchent à capter l’humain dans toute sa simplicité et sa beauté quotidienne.


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