Zanele Muholi : Une voix puissante de l’activisme visuel

Muholi s’identifie comme une personne non binaire et utilise le pronom « iel » (« they » en anglais), c’est donc en ce terme que je vais qualifier l’artiste dans cet article.

Zanele Muholi est une figure incontournable de la photographie contemporaine et du militantisme LGBTQIA+. Originaire d’Afrique du Sud, iel utilise son art pour documenter et célébrer les communautés noires queer et trans, mettant en lumière des récits souvent invisibilisés. À travers un travail à la croisée du documentaire et de l’autoportrait, Muholi questionne les normes et lutte contre les discriminations. Mais qui est réellement Zanele Muholi et quel est son héritage photographique ?

Un parcours entre art et engagement

Né·e en 1972 à Umlazi, un township près de Durban, Zanele Muholi étudie la photographie à Johannesburg avant de poursuivre une formation aux États-Unis. Dès le début de sa carrière, iel se donne pour mission de créer des représentations authentiques des personnes LGBTQIA+ en Afrique du Sud, un pays où l’homophobie et la transphobie restent des enjeux majeurs malgré la légalisation du mariage homosexuel en 2006.

En 2002, Muholi co-fonde l’organisation Forum for the Empowerment of Women (FEW), dédiée à la visibilité et à la défense des droits des lesbiennes noires sud-africaines.

Un art engagé et percutant

Le travail de Muholi se distingue par une approche intimiste et politique, avec plusieurs séries marquantes :

  • « Faces and Phases » (2006 – aujourd’hui) : Une série de portraits en noir et blanc de lesbiennes et de personnes trans noires, capturant leur résilience et leur dignité.
  • « Somnyama Ngonyama » (2012 – aujourd’hui) : Une série d’autoportraits où Muholi explore les questions de race, d’histoire coloniale et d’identité à travers des mises en scène puissantes.
  • « Brave Beauties » : Une collection de portraits célébrant les personnes trans et non-binaires en Afrique du Sud, défiant les stéréotypes de genre.

Reconnaissance et impact mondial

L’œuvre de Zanele Muholi a été exposée dans les plus grandes institutions artistiques, telles que la Tate Modern à Londres, la Maison Européenne de la Photographie à Paris et le Stedelijk Museum d’Amsterdam. En 2024, une rétrospective majeure leur est consacrée à la Tate Modern, confirmant leur statut d’artiste engagé·e et influent·e.

À travers son travail, Muholi ne se contente pas de documenter des vies marginalisées : iel redéfinit les canons de la beauté, donne une visibilité aux communautés oubliées et rappelle le rôle crucial de l’art dans la lutte pour l’égalité et la justice sociale.

Zoom sur quelques oeuvres

© Zanele Muholi

Cette sculpture imposante est l’œuvre qui m’a le plus marquée dans l’exposition »Zanele Muholi » à la Tate Modern de Londres (06.06.2024 – 26.01.2025). Iel se représente ligoté·e et entravé·e par une corde serrée autour du cou et de la poitrine. Cette pièce contraste vivement avec la liberté et le défi exprimés dans les œuvres photographiques de Muholi.

© Zanele Muholi

Ce que j’aime particulièrement dans le travail de l’artiste est la série d’autoportrait en noir et blanc, « Somnyama Ngonyama » (« Salut à toi lionne noire »), que je trouve incroyablement belle et empreinte de messages forts. Des pinces à linge et des stylos dans les cheveux, mais à quoi cela rime-t-il ? Si cela peut paraître comique à première vue, la signification derrière l’est bien moins…

© Zanele Muholi

Les pinces à linge font référence au travail domestique que pratiquait sa mère. En effet, la mère de Muholi, Bester, était une employée domestique et a soutenu seule sa famille de huit personnes. Sous l’apartheid, des lois telles que le Job Reservation Act forçaient les personnes de couleur à occuper des emplois mal payés ou considérés comme des « travaux non qualifiés ».

© Zanele Muholi

Les stylos, quant à eux, font référence au test du crayon. Il s’agissait d’une pratique déshumanisante et raciste mise en place pour aider le gouvernement sud-africain à classifier les individus en fonction de leur « race » sous l’apartheid. Lorsque les autorités n’étaient pas sûres qu’une personne devait être classée comme blanche, un crayon était inséré dans ses cheveux. Si le crayon tombait, indiquant que les cheveux étaient lisses plutôt que de texture crépue, frisée ou bouclée, la personne « réussissait » le test et était « classifiée » comme blanche.

Finalement, Zanele Muholi incarne une nouvelle génération d’artistes activistes, où l’image devient une arme de résistance et d’affirmation. En plaçant les récits queer noirs au centre de leur œuvre, iel transforme le regard du monde et laisse une empreinte indélébile sur l’histoire de l’art et des droits humains.

Et vous, quelle oeuvre de Muholi vous a le plus marquée ?


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