
Mon coup de cœur du mois de novembre est l’artiste japonais Tomokazu Matsuyama, vivant et travaillant à Brooklyn, New-York. C’est lors de l’exposition « Pop Forever, Tom Wesselmann &… » à la Fondation Louis Vuitton de Paris que j’ai eu l’occasion de le découvrir.
Tomokazu Matsuyama est un artiste connu pour ses œuvres qui fusionnent des éléments de l’art traditionnel japonais avec des influences occidentales modernes. Son travail explore souvent des thèmes liés à l’identité, au multiculturalisme et au choc des cultures dans un monde globalisé.
Matsuyama mélange des motifs traditionnels japonais, comme ceux que l’on trouve dans les ukiyo-e (estampes japonaises) et les peintures nihonga (mouvement artistique japonais durant la période Meiji), avec des références modernes issues de l’art abstrait, du graffiti, du design graphique et de la culture pop. Il produit autant des peintures que des sculptures.
Les Caractéristiques de son travail
Des compositions dynamiques et vibrantes : Il utilise des couleurs vives et beaucoup d’éléments décoratifs. Ses œuvres sont d’une grande opulence au niveau des détails, allant des motifs du papier peint, au broderies des coussins, en passant par les décorations sur les vases. Ses peintures sont si riches qu’elles permettent d’en faire des analyses étoffées.

Leurs formats et leurs formes : Il adopte des formats et des formes variés dans ses œuvres, témoignant de sa maîtrise technique et de sa capacité à intégrer différentes influences visuelles. Ses peintures sont souvent réalisées sur des toiles de grande taille (certaines atteignant environ 2,5 mètres de hauteur). De plus, il utilise des toile découpées en diverses formes irrégulières et organiques plutôt qu’en format rectangulaire traditionnel. Cela reflète l’approche contemporaine et expérimentale de Matsuyama et confère aux œuvres une dimension sculpturale.


Des figures hybrides : Ses personnages et paysages semblent à la fois ancrés dans le passé et le présent, brouillant les frontières entre l’ancien et le contemporain.

Référence à d’autres mouvements et œuvres artistiques : Il emprunte des éléments de styles artistiques de différentes époques et cultures, ce qui reflète son exploration de l’identité dans une ère postmoderne. Dans beaucoup de ses peintures y sont intégrées, telle une mise en abime, des œuvres d’autres artistes. Ainsi, on peut y retrouver du Artemisia Gentileschi, Frida Kahlo, Keith Harring, Hokusai, On Kawara, etc. De nombreux éléments vont également évoquer des symboles typiques d’un mouvement/style artistique par exemple, une pelure d’orange évoquant le temps qui passe typique des natures mortes. En somme, si vous voulez avoir un aperçu des œuvres iconiques en histoire de l’art, regardez les peintures de Matsuyama!


Autours de l’exposition
Lors de mon passage à la Fondation Louis Vuitton, ce sont ces trois prochaines œuvres, provenant de la série « Fictional Landscape », que j’ai pu découvrir. En voici une petite analyse pour chacune d’entre-elles :
Points communs : Comme dans de nombreuses œuvres de Matsuyama, la forme organique des trois toiles dénote une rupture avec les formats rectangulaires traditionnels. Cette découpe inhabituelle donne une impression de fluidité et invite le spectateur à explorer l’œuvre au-delà des cadres conventionnels. Comme dans d’autres de ses œuvres, des points blancs ressemblant à des flocons de neige parsèment les images. La neige est un motif récurrent dans son travail, symbolisant à la fois l’impermanence (concept clé du bouddhisme) et une connexion poétique avec son héritage japonais. Ce motif crée également une dimension onirique. Enfin, les couleurs vives et saturées sont typiques du style de Matsuyama. Elles attirent immédiatement le regard et servent à équilibrer les multiples éléments de la composition.
Selon les mots de l’artiste, il explore, à travers cette série « Fictional Landscape », le mélange des cultures et ses échanges, où tout semble fictif mais reflète pourtant la réalité de nos interactions mondiales complexes.

Serenity Exhale Protection, 2024
La découpe de la toile évoque une palette d’artiste. Cette peinture foisonne de références à différents styles artistiques (Renaissance italienne, motifs Arts and Crafts, Nature Morte, Ukiyo-e).
Au centre, un tableau classique inspiré de Judith décapitant Holopherne d’Artemisia Gentileschi est inséré dans une scène contemporaine. Ce choix crée une juxtaposition frappante entre le drame baroque de la scène historique et le confort domestique contemporain autour, notamment avec des fauteuils, un canapé et une décoration richement détaillée. Le tableau inséré rend hommage à l’art classique, particulièrement au caravagisme, en mettant en lumière des thématiques comme la violence et le triomphe. Autour de la scène principale, on trouve des figures et des objets colorés qui appartiennent clairement à un univers plus moderne et globalisé, comme le mobilier européen.
Matsuyama explore souvent les thèmes de la dualité culturelle et de l’identité hybride, ce qui est également apparent ici. En intégrant des références visuelles de l’histoire de l’art occidental avec des éléments pop asiatiques et contemporains, il questionne la manière dont ces cultures s’entrelacent.
Silence Wind Flower Believe, 2022
Au centre, se trouve une figure humaine, habillée d’un style éclectique. Les vêtements rappellent les textiles japonais à motifs floraux mais avec des influences occidentales, soulignant une connexion entre l’ancien et le moderne.

Ainsi, ce personnage incarne probablement un individu symbolisant l’hybridité culturelle. La scène, se trouvant à l’extérieur, est remplie d’une végétation luxuriante et de fleurs, avec des éléments symboliques qui peuvent être associés à l’esthétique japonaise traditionnelle, notamment la présence d’animaux (chat, lapins, oiseaux). La présence d’une figure humaine centrale dans ce décor bucolique pourrait refléter la recherche d’équilibre entre l’homme et son environnement.

Safety Retrospective, 2024
L’œuvre représente une scène intérieure domestique. Les trois personnages sont habillés de manière excentrique et détaillée. Les livres et le drapeau panaméricain (rouge, noir, vert) dans la bibliothèque soulignent l’aspect multiculturel et cosmopolite de l’œuvre, ainsi qu’une possible réflexion sur l’identité et l’histoire.
Le miroir central joue un rôle crucial, capturant le reflet d’un personnage debout en hors-champ, ce qui ajoute une profondeur narrative et spatiale. Le portrait de l’homme noir représenté dans le reflet pourrait faire écho à la reconnaissance et à la présence des figures afrodescendantes dans l’histoire de l’art ou la société contemporaine. Cela peut rappeler des œuvres où des figures marginalisées ont été traditionnellement placées en arrière-plan ou dans des rôles de subordination. Ici, le reflet met en avant cette figure de manière centrale, comme une manière de revalorisation. Le miroir est un dispositif récurrent dans l’art pour explorer des thèmes comme la mémoire, l’identité ou la place de l’observateur. En choisissant un homme noir pour cette position, Matsuyama pourrait suggérer une réflexion sur la visibilité, la représentation et l’importance de reconnaître les récits diversifiés, dans une perspective inclusive.
En outre, la présence du drapeau panafricain dans la bibliothèque peut évoquer une conscience politique et culturelle, voire un hommage aux luttes pour la liberté et l’égalité des peuples afrodescendants. Placé dans un intérieur décoré de manière multiculturelle, le drapeau semble souligner la diversité et l’interconnexion des récits mondiaux.
Selon les mots de l’artiste, « Dans un monde où les identités changent comme des avatars, la culture n’est pas seulement un héritage, c’est quelque chose que nous créons ». Postée sous l’image de cette peinture (sur son Instagram), cette affirmation est d’autant plus vraie par rapport à l’identité afro-américaine, une création/combinaison entre la culture africaine et américaine.
En combinant des références culturelles asiatiques, occidentales et africaines dans un même espace, l’artiste souligne les échanges culturels globaux tout en donnant une place d’honneur aux identités souvent marginalisées. Cela pourrait être interprété comme une invitation à célébrer la pluralité des histoires, en particulier dans un contexte contemporain où les questions de représentation et de diversité sont au cœur des débats artistiques et sociaux.
Sauf mention contraire, les photographies utilisées dans cet article sont la propriété de Culturellement vôtre et ne peuvent être utilisées sans autorisation écrite.

[Référence de l’œuvre introuvable] = Serenity Exhale Protection, 2024
J’aimeJ’aime
Merci infiniment Fred!
J’aimeJ’aime