La lumière dans « La Couleur Pourpre » : une lueur d’espoir

Il y a quelques temps de cela, j’ai vu au cinéma la version 2023 de La Couleur Pourpre, réalisée par Blitz Bazawule.

Ce qui m’a particulièrement frappé en regardant cette version du film, c’est le traitement de la lumière. Elle est omniprésente et mise en valeur tout au long du film, notamment à travers plusieurs scènes où elle apparaît presque tangible, palpable, à travers des faisceaux lumineux et des rayons éthérés. Une telle insistance sur la lumière ne peut être anodine : elle doit nécessairement être chargée de significations. C’est pourquoi j’ai choisi d’explorer le rôle et les symboliques de la lumière et les rapports qu’entretient cette dernière avec les personnages, dans cette version de 2023.

Cette dernière version est une nouvelle adaptation du célèbre roman d’Alice Walker, qui avait déjà été porté à l’écran en 1985 par Steven Spielberg. Cette variante prend la forme d’une comédie musicale, intégrant des influences du gospel et du blues.

L’histoire se déroule dans le sud des États-Unis au début du 20ᵉ siècle et suit la vie de Celie, une jeune femme afro-américaine qui subit de multiples violences physiques et psychologiques, d’abord de la part de son père adoptif, puis de son mari, Albert. Malgré les épreuves, elle parvient à survivre grâce à des liens solides de sororité, notamment avec deux femmes cruciales dans sa vie : Shug Avery, une chanteuse indépendante et sulfureuse, et Sofia, une femme forte et résistante. À travers ces relations, Celie apprend à retrouver sa dignité, son indépendance et la capacité à s’aimer elle-même.

Le film explore des thèmes puissants comme l’émancipation féminine, la violence domestique et la résilience face à l’oppression raciale et sexiste. Visuellement, cette adaptation se distingue par son utilisation éclatante de la lumière et des couleurs. En effet, l’éclairage est utilisé de manière à approfondir les éléments émotionnels et thématiques de l’histoire. Contrairement à l’adaptation originale de 1985, cette version est un film musical, ce qui permet une utilisation plus dynamique de la lumière pour refléter les parcours intérieurs des personnages et le contexte culturel plus large du film.

L’un des aspects clés de l’éclairage dans cette adaptation est la façon dont il passe des réalités dures de la vie des personnages aux moments de transcendance émotionnelle ou spirituelle. Par exemple, les scènes festives ou de transformation sont souvent baignées dans une lumière chaude et dorée, contrastant fortement avec l’éclairage plus sombre et oppressant utilisé dans les scènes de souffrance ou d’oppression. Ce contraste ne fait pas seulement ressortir l’impact émotionnel, mais symbolise aussi la dualité entre la douleur et l’espoir dans la vie des personnages.

Nous allons voir que ces choix d’éclairage aident à exprimer visuellement la croissance des personnages et le thème de la résilience, central à l’histoire. Ainsi, j’ai choisi, de manière subjective, d’analyser quatre scènes qui m’ont particulièrement marquée : 

La scène de la baignoire

Dans cette scène, la lumière est utilisée de manière théâtrale pour créer une aura presque divine autour du personnage (Shug Avery) dans la baignoire. Le contraste entre la lumière vive et les ombres dans la pièce pourrait symboliser la transition de Celie d’un état d’oppression ou de souffrance vers une forme de libération ou d’éveil personnel. En effet, Celie se trouve dans l’ombre, à contre-jour, tandis que Shug se trouve baignée, au sens propre comme au figuré, dans la lumière, là où Celie aspire à être.

Inondant la scène d’une lueur chaude et dorée, la lumière provient principalement de la fenêtre située à l’arrière-plan. Elle est filtrée à travers les rideaux, créant un faisceau lumineux qui traverse la pièce et éclaire tel un projecteur la baignoire au centre. Le fait que la lumière soit concentrée sur la baignoire peut symboliser la pureté, le nettoyage ou une forme de renaissance si ce n’est de libération. La baignoire étant traditionnellement un lieu de nettoyage, le fait qu’elle soit mise en lumière pourrait suggérer un moment de purification ou de transformation pour le personnage.

La lumière chaude qui pénètre dans la pièce peut également symboliser l’espoir ou le réconfort, apportant une touche de chaleur dans un environnement autrement sombre ou difficile. Cela pourrait représenter l’idée que, malgré les épreuves, il y a toujours une lueur d’espoir ou un moment de répit à trouver.

La scène du vinyle avec Shug Avery

Cette scène suit directement celle de la baignoire. Elle est particulièrement stylisée, avec un éclairage qui vient dramatiquement de derrière, illuminant le personnage de Shug Avery. La lumière s’avère presque divine, la séparant de l’obscurité qui l’entoure. L’action semble se dérouler sur une sorte de scène de théâtre, avec un éclairage qui rappelle celui d’un projecteur. Ce choix de mise en scène pourrait symboliser la force et l’influence de Shug Avery sur Celie, la lumière représentant la libération et l’autonomisation que Shug inspire à Celie.

Par ailleurs, cette scène, se déroulant sur un disque vinyle géant, utilise l’éclairage de manière créative pour représenter le monde intérieur de Celie, mélangeant réalité et fantaisie. Ainsi, cette scène fait usage d’une lumière rêveuse et éthérée pour transmettre l’admiration de Celie et l’image idéalisée qu’elle se fait de Shug.

La scène au piano

Dans cette scène, l’éclairage provient principalement d’une grande fenêtre à l’arrière-plan. Cette lumière douce et diffuse crée un effet de halo autour des personnages, les enveloppant dans une sorte de lumière divine ou spirituelle. Cela symbolise une présence transcendante, presque protectrice, suggérant peut-être la force intérieure ou la résilience des protagonistes. Symbole d’espoir, la lumière, dans cette scène, reflète le cheminement des personnages vers une compréhension plus profonde de leur propre valeur et de leur capacité à surmonter les épreuves. En effet, Shug Avery est en train d’interpréter sa chanson « Sister » dont Celie lui a été sa source d’inspiration et qui témoigne du lien fort qui les unis. De plus, ce moment se déroule juste après que Celie se soit enfin émancipée de son mari en partant avec Shug dans le Tennessee. Le contraste visuel avec les ombres plus accentuées de la pièce peut représenter les luttes ou les douleurs du passé qui s’effacent lentement sous cette lumière apaisante. Ainsi, malgré les défis et les souffrances, il y a toujours une lumière au bout du tunnel.

La scène avec la lumière à travers les rideaux

Dans cette scène, la lumière du soleil pénètre à travers les rideaux, projetant des rayons distincts qui illuminent une partie de Celie. Cette utilisation spécifique de la lumière accentue son introspection. Les ombres dans la pièce, en contraste avec la lumière vive, pourraient symboliser les souvenirs qui commencent à refaire surface, éclairées par une nouvelle compréhension ou une révélation intérieure.

Le faisceau lumineux crée un effet dramatique, mettant l’accent sur le personnage. Cette utilisation de l’éclairage directionnel sert à souligner l’importance du moment que vit Celie, que ce soit un instant de réflexion, de révélation ou de prise de conscience. Le contraste fort entre la lumière et les ombres symbolise ainsi la dualité de la situation de Celie — un conflit interne ou externe entre l’ombre (les difficultés, les luttes) et la lumière (l’espoir, la compréhension).

Comme dans d’autres scènes du film, la lumière peut également représenter une forme de présence spirituelle ou divine. Elle semble guider ou réconforter le personnage, suggérant qu’il ou elle n’est pas seul(e) dans ce moment de réflexion. D’ailleurs, Celie – qui se trouve seule dans la pièce – voit le reflet de sa mère dans le miroir et lui demande conseil.

Conclusion

Dans l’ensemble, la lumière dans ces scènes de La Couleur Pourpre (2023) joue un rôle crucial dans la narration visuelle. Elle symbolise souvent des moments de révélation, d’introspection, ou de transformation pour les personnages. La lumière peut être vue comme un symbole d’espoir, de clarté ou de vérité qui se fraye un chemin à travers les ténèbres des épreuves et des souffrances des personnages. Chaque plan utilise la lumière non seulement pour illuminer la scène et créer une ambiance, mais aussi pour enrichir le récit, en mettant en avant les thèmes de la sororité, de l’émancipation et de la lutte continue pour l’identité et la liberté des femmes noires en Amérique​.


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